Sonate en mer

DANIEL ET VÉRO

Lui, dandy-marin, s’il en est, un style décontracte soigné dans le détail, le regard un brin rêveur, un brin charmeur, qui trahit rapidement un esprit bien affûté.

Elle, la silhouette élancée et élégante, le regard perçant, d’un bleu vif, qu’adoucit une chevelure quelque peu ébouriffée. Une allure de grande dame avec le sourire d’une jeune fille, franc et communicatif.

Nous avons fait la connaissance de Daniel et Véro peu après notre arrivée sur les rives du Rio Dulce. Ils nous ont tout de suite interpellé par leur parcours pour le moins atypique. Leur compagnon de voyage : un dériveur lesté de 10,80 m qu’ils ont construit de leurs mains, occupant ainsi tous leurs week-ends et vacances pendant six ans avant que Daniel ne s’y consacre à temps plein pour la septième et dernière année. Un bel ouvrage de contreplaqué à bouchains vifs, aux solides membrures de frêne et d’acajou et à l’aspect épuré. Un bateau qui se résume à l’essentiel. Son nom ? Baladin II. Voilà qui reflète bien le parcours de vie de nos amis, puisqu’un baladin est une sorte de trouvère, de poète itinérant, de vagabond musicien, d’artiste, comme le sont indéniablement nos chers marins.

Après avoir étudié les lettres et les arts à la Sorbonne, puis les beaux-arts dans un atelier privé, Véro se dirige vers l’enseignement. Elle, pianote en amateur depuis l’enfance, quand Daniel a fait de cette pratique sa profession. En effet, pour faire suite à de brillantes études au conservatoire, il embrasse une carrière de pianiste concertiste pendant laquelle il rencontrera les plus grands et sera reconnu par ses pairs. Sollicité pour ses qualités de musicien et de gestionnaire, Daniel s’est vu offrir différents postes au sein de grands conservatoires des quatre coins du monde. Grâce à cela, ils s’établirent quelques années à Stuttgart, où Véro suivit une formation à l’enseignement de la méthode alternative Steiner-Waldorf, reconnue en Allemagne, et où Raphaël, leur premier enfant, vit le jour. Ils y vécurent douze ans.

Un projet de restructuration et de modernisation du programme du Conservatoire de Musique et de Danse de Cayenne leur donne l’opportunité de goûter au climat tropical de la Guyane. Leur goût de l’aventure et de la découverte les décide à partir. Véro y enseigna le français et David, le petit frère de Raphaël, y poussa ses premiers cris. Ils y résideront trois ans ; trois années pendant lesquelles Daniel profitera de son temps libre pour apprendre à piloter (il ne lui reste aujourd’hui plus que les heures de vol à valider avant de pouvoir voler en autonomie totale).

Après quelque temps, l’aspect trop politisé du poste proposé au conservatoire de Guyane devient pesant, et de nouvelles opportunités s’offrent à Daniel au Canada. Sa passion première pour le hockey sur glace (enfant, il s’imaginait plus concourir sur une dalle de glace, crosse à la main, qu’au beau milieu d’une salle de concert où la queue-de-pie est de mise) et l’idée de perfectionner son anglais en prévision de futures communications radios depuis le poste de pilotage d’un petit coucou motivent ce nouveau déménagement.

Et c’est ici, au pays du sirop d’érable et des caribous, que Daniel se prend finalement de passion pour la voile. Quelques bords en 420 dans les méandres du Saint-Laurent, puis quelques convoyages épiques en guise d’initiation à l’habitable et, en toute logique, l’envie de posséder son propre bateau pour partir à l’aventure. Il s’était déjà renseigné sur la possibilité de se construire son propre avion en kit — les deux milieux sont semblables par bien des aspects — et ce sera finalement un petit chantier naval que Daniel improvisera dans le fond d’un hangar québécois pendant que Véro, entre deux coups de mains, se consacre à l’enseignement de la vie auprès de leurs trois enfants (et oui, une petite Clara est venue agrandir la famille au Canada).

Le chantier de Baladin débute en 2007. Autodidacte, Daniel puise tous les renseignements nécessaires dans des livres spécialisés, sur Internet, et bénéficie des précieux conseils de quelques amis. L’ouvrage est mis à l’eau en 2015.

Le programme de navigation de Daniel et Véro n’est pas défini, ils se laissent porter par l’aventure au fil des rencontres et des envies. Après avoir gagné le Guatemala pour une halte prolongée par l’épidémie, ils espèrent se diriger vers les Açores puis, peut-être, traverser Panama pour rejoindre le Canada via les eaux du Pacifique. C’est ça aussi, une vie de marin : aucune route n’est vraiment tracée…

 

Caractéristiques du bateau :

  • Architecte : Jean-Pierre Villenave
  • Plan : Venaco années 80 (moins de 5 constructions)
  • Matériaux : CP
  • Longueur : 10,82 m
  • Dériveur de 5 tonnes, lesté de 2,3 tonnes
  • Tirant d’eau : 1,25 m (min) – 2,40 m (max)
  • Tirant d’air : 15,54 m

 

Pour suivre leur aventure : http://baladins07.blogspot.com/