Étrange endroit que ces îles. Habitées de nombreux contrastes, inhospitalières à première vue, elles sont pourvues d’un réel pouvoir d’attraction. Les nombreux volcans qui surplombent l’archipel semblent la préserver de tout. Ils sont, aux cœurs des îles, les refuges d’une nature sauvage et aride. Les constructions hideuses se cantonnent aux périphéries, là où les plages de sable fin se prêtent à l’attrait du tourisme de masse. Certaines villes sont en effet destinées entièrement aux vacanciers nord Européens et ne présente aucun intérêt pour qui recherche une once d’authenticité et de convivialité dans ses voyages. L’archipel, heureusement, ne se résume pas à cela.

Notre première escale sur l’archipel eut lieu à Lanzarote, au port de « Rubicon » au sud Ouest de l’île. Celle-ci fut brève : le port, bien que superbe, était 19€ par nuit et la ville, bien que magnifique, affichait une superficialité assumée. Après deux jours de repos mérité et de ménage, nous sommes parti en direction de l’Est de l’île, au port d’Arrecife pour y rejoindre Seb et Manon ; le couple d’amis qui partage l’aventure avec nous. Partit du Sud-Est de la France, ils ont débarqués sur l’archipel via l’île de la Graciosa, que nous n’avons pas eu, nous, la chance de visiter avec Walden.

Après s’être donné rendez vous la veille pour le lendemain au port d’Arrecife sans préciser d’heure d’arrivée, nous avons eu la surprise de nous retrouver face à face avec nos bateaux, juste devant le port, après 5 heures de navigation chacun de son côté. Seb et Manon sont accompagnés d’un second bateau, identique au leur (un Sirocco) sur lequel excelle Juan, un ami espagnol rencontré au Sud de l’Espagne, susceptible de traverser avec nous et avec son amie Neus. Les retrouvailles avec nos amis sont des plus chaleureuses et marquent le commencement réel de l’aventure, pensée sur la base des deux bateaux Mana et Walden.

Du port où nous passons la nuit, nous rejoignons un mouillage quasi attenant et protégé d’une grande digue. Nous déposons l’ancre précipitamment après s’être pris un « orin » dans l’hélice (bout laissé entre deux eaux par un précèdent bateau). Qu’à cela ne tienne ; un plongeons avec un opinel bien affuté et l’hélice est libérée. L’annexe gonflée et le moteur hors bord apprêté, nous rejoignons la digue avec tous nos instruments pour un premier essais dans les rue. Après quatre heures intensives d’improvisation sur le répertoire de Seb, à une heure peu propice, nous récoltons une cinquantaine d’euro. Suffisamment pour requinquer tout l’équipage avec quelques bières et tapas dans un troquet sympathique. C’est à Arrecife également qu’au détour de ruelles nous trouvons l’association « Voluntarios » avec qui nous passerons une soirée mémorable.

Trois jours passés à Arrecife que déjà la météo nous rappelle à nos bateaux ; un coup d’Est est annoncé pour le week end et nous prenons la décision de rejoindre l’île de Tenerife, où ce coup de vent vient à mourir. Une navigation tout au portant où nous découvrons les joies de l’effet « Venturi » (accélération des vents suite au passage d’un relief). Les massifs volcaniques culminent ici régulièrement à plus de mille mètres d’altitude et les courants sont puissants entre les îles. Mana déjà peine à nous attendre et nous le perdons dans la nuit. L’arrivée à Tenerife est mouvementé, le dernier cap à passer au sud de l’île nous offre des accélérations de vent impressionnantes et sa direction fluctues avec les reliefs.

Nous mouillons sur une première plage à proximité de San Cristobal, juste derrière le cap sous un levé de soleil majestueux. Nous prenons le temps d’un petit café et d’une courte sieste avant de repartir à la recherche de Mana. À 10h du matin, nous sommes torse nu sur le pont à observer le mont Tiede enneigé au centre de l’île ; surprenant contraste ! Nous relevons le mouillage rapidement dans le but de faire le plein d’eau à Puerto Colon, à trois miles plus au nord, en espérant y retrouver Mana. Nous constatons rapidement que le port est dénué de ponton d’accueil et y faisons un demi tour serré par 25 nœuds de vent. Nous accostons rapidement sur un quai de fortune, et passons à la capitainerie pour qu’elle nous dise que le port est complet et qu’il nous faut dégager au plus vite. Soit ! Après deux nuits quasi blanches, nous repartons à la recherche de Mana.

Sur les cartes, nous distinguons une anse relativement abrité qui nous semble être le lieu dont Seb nous parlait, « La Caleta ». Nous poussons jusque cette anse où nous mouillons, encore une fois. Nous sommes le 24 décembre et nous commençons à douter de retrouver Seb et Manon pour le soir de Noël. Nous sommes, semble t’il à l’endroit indiqué ; une plage surplombée de falaises abruptes où quelques grottes abritent une communauté hippies ; lieu quasi mystique où règne une atmosphère de liberté. Nous nous reposons enfin deux petites heures, avachi dans le cockpit sous un soleil de plomb. Agréable et rare moment que ce repos. Je me fais violence pour gonfler l’annexe sur le pont afin de tirer à terre. Le débarquement sur la plage se fait par un surf maîtrisé. Ça fait toujours du bien de poser le pied à terre après quelques jours de bateau.

On crapahute un peu dans un dédale de cactus, de cabane de bric et de broc et de toiles de tente. L’ensemble des campements est organisé en micro société ; une cuisine communautaire trône au centre et, tout au tour, chaque mètre carré où la pente est moins raide profite à un groupe. Nous rejoignons le village le plus proche afin de consulter internet. Mana nous laisse un message comme quoi ils devraient nous rejoindre au mouillage d’ici la nuit tombée. Génial ! On retourne au bateau et, du haut des falaises, on aperçois le feu de mât du beau sirrocco qui vient mouiller tout prêt de Walden. Ni une, ni deux ; on dévale le sentier escarpé dans le noir, au risque de confronter nos mollets aux épines acérées des cactus, on met l’annexe à l’eau et retrouvons Seb et Manon épuisés de quelques galères. La flotte est réunit à nouveau, les sourires reviennent.

Le lendemain à La Caleta, nous retrouvons Neus (l’amie de Juan) et Danilo, un autre ami commun. Nous passerons le réveillon de Noël avec un jour de retard, tous les sept sur Walden, aux sons des guitares et la panse remplit de bons petits plats. Nous pensant plus à l’abri du vent d’Est qui ne cesse de souffler, nous sommes partit mouiller dans une anse voisine, « el puertito », réputée pour être le refuge de nombreuses tortues de mer, que nous n’avons pas eu la chance d’apercevoir en plongée.

Le vent souffle toujours avec de belles rafales, nous choisissons de repartir sur le mouillage de San Cristobal, où nous espérons pouvoir mouiller au plus près de la plage. Mais encore une fois, nous déchantons. Seb fait une approche et se fait de suite rembarrer par la guardia civil. Nous mouillons donc dans un renfoncement de cailloux, et à chaque fois que nous prenons l’annexe, nous nous retrouvons trempés par les embruns levés par le vent. Les deux guitares et la basse acoustique sur l’annexe semblent vouloir se jeter à l’eau à chaque clapot ; chaque débarquement est une mission.

Au large de Tenerife

Cette première semaine à Tenerife n’aura pas été de tout repos. La ville de San Cristobal n’est pas propice à notre musique ; les touristes ici sont aigris et peu avenant. Ils prennent tout bons sentiments pour agression et n’osent à peine regarder en notre direction quand nous jouons, de peur que nous leurs demandions quelques choses. Nous partons donc avec un certaine amertume de San Cristobal pour le port de Los Gigantes qui devrait enfin pouvoir nous accueillir. Et c’est reparti.

Musique de rue à San Cristobal

Après quatre heure et demi de navigation nous découvrons ce petit port, blotti aux pieds de falaises vertigineuses. Endroit sympathique où nous passons le réveillon de la nouvelle année. Des balcons en bois agrémentent les maisons blanches immaculées et la ville nous laisse enfin une impression de calme. Nous profitons de ce port pour y faire quelques réparations (ré-alignement du moteur de Seb, vernissage de notre porte, etc.). Nous partons également pour un petit bivouaque avec Max et Kévin sur les hauteurs. Magnifique randonné dans un paysage à couper le souffle. Au sommet d’une crête, nous installons notre bivouaque face à la mer, y allumons un petit feu et savourons devant des rocs gargantuesques quelques bières et le panier repas que l’on a fait l’effort de monter. Ça fait du bien de quitter le bateau pour rentrer un peu dans les terres et décrasser un peu nos jambes ! Au lendemain de la rando, on reprend les bateaux en direction de l’île de la Gomera ; dernière escale avant le Cap Vert. La Gomera nous promet encore de belles rencontres et de merveilleux paysages…