Un deuxième tour du monde au rythme de la vie
EGOI, RASA ET JURA
Wouaw ! C’est le mot qui nous vient à l’esprit quand on rencontre cette belle et jeune famille. Trois silhouettes qui se distinguent sur fond de mer ; des silhouettes à faire rougir n’importe quel mannequin habitué des tabloïds. Derrière les physiques d’athlètes des parents et la bouille d’ange du petit Jura, on ne peut qu’être attiré par toute la gentillesse et la sympathie qui s’échappent de leurs grands sourires.
Rasa hérite ses traits des grandes plaines lituaniennes où elle grandit, entourée des prairies rougis par les coquelicots et de grands lacs cristallins. C’est ici, en Lituanie, que le jeune couple se rencontre en 2004. Egoi quittait alors son Pays Basque espagnol pour suivre des cours ingénierie en électro-technique via le programme européen Erasmus, tandis que Rasa étudiait l’architecture.
L’aspect créatif du métier d’architecte convient parfaitement à Rasa ; la vie de bureau et les lourdes tâches administratives un peu moins. Elle exercera tout de même ce métier pendant deux années en Espagne avant de répondre à l’appel de la mer et de l’aventure.
La mer, elle la pratique depuis ses treize ans, grâce à la passion que son père, Andrius, lui a transmis. Anticonformiste avéré et en quête de la liberté qu’offrent les grandes étendues d’eau, il s’est d’abord construit une petite barque, idéale pour sillonner le fleuve qui serpente à deux lieues de leur maison. La Lituanie fait alors partie intégrante du « Bloc de l’Est » où la navigation hauturière est proscrite (de peur, sans doute, que l’idéalisme communiste soit si parfait que des citoyens cherchent à s’en échapper). Afin de pouvoir naviguer un peu plus loin sur le fleuve, Andrius fait l’acquisition d’un petit voilier de sept mètres avec lequel il écume les eaux intérieures du pays. En 1993, l’accès aux mers extérieures est désormais possible. Andrius se décide alors à se construire son voilier, plus grand et plus robuste, afin de pouvoir s’aventurer un peu plus au large.
Héritage de l’influence russe, le coût de l’acier est quasiment nul ; ce matériau est alors tout indiqué pour son projet. Les connaissances acquises lors de ses études en marine marchande à Kaliningrad lui seront également précieuses.
Après deux ans de construction derrière la maison familiale et d’après des plans libres, trouvés dans une revue nautique, le « Ragainell » est mis à l’eau en 1995. Rasa vient de fêter ses treize ans, et c’est sur ce 33 pieds qu’elle effectuera ses premières manœuvres alors qu’elle accompagne, dès qu’elle en a l’occasion, son père pour des navigations en mer Baltique, le temps d’un week-end ou de quelques vacances. Régulièrement, ils embarqueront à leur bord quelques curieux que le manque de confort n’effraie pas (première année sans toilette, ni chauffage, ni moteur, ni survie…), histoire de rentrer un peu d’argent et de partager leur passion maintenant commune.
RAGAINELL – Gary
En 2007, trois ans après la rencontre des jeunes amoureux, Egoi tient la promesse qu’il avait fait à Rasa de s’essayer à la vie en bateau, et les voilà partis pour une virée vers les côtes suédoises sur le bateau acier du père. L’expérience est concluante, puisque Egoi se prend à son tour de passion pour le grand large.
Après quelques excursions ensemble, le père de Rasa soumet aux jeunes tourtereaux son idée, qui lui trottait déjà dans la tête depuis la construction du « Ragainell », de réaliser un tour du monde à la voile. Egoi et Rasa s’enthousiasment immédiatement pour le projet et se décident à l’accompagner. En 2008, le rêve devient réalité et le joyeux trio hisse les voiles pour deux ans de voyage autour du monde. (Deux ans, c’est le délai que la mère de Rasa laisse, avec humour, à son père avant de le faire remplacer par l’un de leurs voisins.)
Au départ des côtes lituaniennes, Andrius fera escale au Pays Basque espagnol pour récupérer Rasa et Egoi avant de traverser l’Atlantique, puis d’atteindre le Pacifique via Panama. Viennent ensuite les îles de la Polynésie Française, l’Australie, l’Asie du Sud, pour enfin regagner l’Europe par le Canal de Suez. Pour quitter la Méditerranée, ils choisissent de passer par le Canal du Midi. Une descente rapide vers le Pays Basque espagnol s’impose à nouveau avant un retour, dans les temps, en Lituanie en 2010.
RASA, ANDRIUS ET EGOI A BORD DE RAGAINELL – Gary
Après avoir vécu ce type d’expérience, difficile de se réaccoutumer à la vie de bureau ou d’atelier à laquelle leurs professions les prédestinent. Rasa et Egoi commencent alors à écumer les petites annonces de voiliers à la recherche d’une bonne affaire. Cela leur prendra trois ans ; trois années pendant lesquelles Egoi suivra une formation de skipper pour travailler quelque temps à convoyer des bateaux aux Canaries, puis pour une marina à Barcelone.
C’est finalement sur un Puma 38, visible en Pologne, que leur choix s’arrête. Un bateau réputé, aux lignes harmonieuses, robuste, gréé en ketch et dessiné pour l’aventure. Construit en Espagne, mais sur plans américains, le voilier (ayant eu pour propriétaire un Français) se prénomme « Grain de sable ». Par superstition, ou tradition, ils ne le renommeront pas. Quelques travaux s’imposent, comme sur tous bateaux d’occasion, et le climat polonais n’est pas pour leur faciliter la tâche.
En 2014, « Grain de sable » quitte la Pologne pour la Lituanie, puis le Danemark, l’Allemagne (via le Canal de Kiel), les Pays-Bas, la Belgique, la France, une petite halte à domicile au Pays Basque espagnol avant la transatlantique, quelques bords entre les îles des Caraïbes puis une escale prolongée au Guatemala où nous nous rencontrons. Comme en entracte de ce voyage, Egoi et Rasa retourneront deux fois en Europe sur une durée totale d’un an. La première fois, pour renflouer les caisses de bord en plus de rendre visite à la famille. La seconde, pour accueillir la venue d’un petit ange : Jura, qui, de toutes leurs aventures, comptera comme la plus extraordinaire…
Caractéristiques de « Grain de sable » :
- Modèle : Puma 38
- Années : 1976
- Gréement : ketch bermudien
- Matériau : polyester
- Longueur : 11,80 m
- Largeur : 3,60 m
- Poids : 10,6 tonnes
- Lest : 3 tonnes
Pour suivre leur aventure : http://www.sailongrain.com/